L’envahissement du Capitole par les fidèles de Donald Trump réactive la préoccupation sur les évolutions que connaissent les démocraties et la France n’y échappe pas.
Depuis quelques années on observe la montée concomitante du complotisme et la désertion des bureaux de vote. La première s’alimente des réseaux sociaux, diffusant une lecture tronquée des faits et une défiance à l’égard de toute autorité démocratiquement élue et de toute décision prise au nom de l’intérêt commun. La seconde marque un décrochage sur l’idée de représentation du peuple et à l’égard même de la forme démocratique de gouvernance qui fonde notre République. Revendiquant une forme de démocratie directe qui s’appuie sur la croyance que le peuple a forcément raison et que les élus sont forcément corrompus et contre lui, elle fait le lit du populisme. Dans leur acception du concept de démocratie directe, elle n’est plus l’espace de la discussion, de la délibération et de la co-construction mais celui de l’imposition des décisions. A cet égard, la forme qu’a pris le mouvement de gilets jaunes, malgré la reconnaissance que j’ai de ce qui est à son fondement, est l’illustration de cette défiance.
Ce qui s’est passé au Capitole est la tentative pour un groupe minoritaire, chauffé à blanc par un autocrate, d’imposer par la force ses idées et son autorité aux autres. Je ne peux m’empêcher un parallèle avec les dérives de groupes religieux extrémistes, dont la rhétorique est proche : la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes, nous en sommes les défenseurs et nous en tirons notre légitimité pour justifier toute action violente, répressive et attentatoire aux libertés.
Ces derniers mois nous assistons au grignotage insidieux de nos libertés, sous couvert de crise sanitaire ou de défense de l’ordre et de ses forces. Les mesures d’exception sont pérennisées, les décisions sur nos libertés sont prises en conseil restreint, sans intervention possible de représentants du peuple. On va finir pas trouver ça normal. Le Conseil d’Etat vient de valider la mise en fiche de police des opinions politiques, des convictions philosophiques de l’appartenance syndicale des fonctionnaires et des personnes morales (associations, syndicats). Notre ministre de l’intérieur construit pas à pas une surveillance de masse (drones, restriction des droits d’informer). En retour à la défiance du peuple envers les autorités, cette politique marque la défiance des autorités envers le peuple, ce qui bien entendu alimente le cercle vicieux de la méfiance généralisée. C’est la pire réponse qu’on puisse faire aux évolutions antidémocratiques qui montent. Devons-nous craindre qu’elle ne conduise à la prise d’assaut de l’Assemblée Nationale par des groupes téléguidés par des populistes irresponsables ?
Ce n’est pas la société que nous voulons.
Les organisations politiques, associatives, syndicales, éducatives ont une grande responsabilité en cultivant la liberté d’expression et l’esprit critique, et en soutenant une forme de démocratie qui écoute et prend en compte les aspirations, dialogue, associe, rend compte. C’est pour cela qu’Ambition Commune doit pousser très fort à l’organisation de Etats Généraux et être vigilants à ce qu’ils ne soient pas dévoyés ou instrumentalisés. Sur ce point au moins, nous devrions trouver une unité d’action avec les forces politiques qui défendent les mêmes valeurs.
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